Cet entretien s’inscrit dans le cadre de notre campagne #LoveWhereILive et de notre série “#ProgressiveLocalStories”, visant à sensibiliser aux nombreuses initiatives positives mises en œuvre par des villes et régions socialistes en Europe. Les villes et les régions sont devenues des laboratoires de solutions innovantes et, avec cette campagne, nous voulons découvrir comment les maires, conseillers et présidents de régions socialistes mettent en place des politiques de promotion et de protection des droits LGBTIQ.
Votre ville est un exemple en matière de promotion et de protection des droits LGBTIQ. En tant que leader progressiste, quelles sont vos idées sur les droits LGBTIQ sur votre territoire et en Europe aujourd'hui ?
Je voudrais tout d’abord saluer l’initiative du Parlement européen qui a franchi une étape historique en déclarant l'UE “LGBTIQ Freedom Zone” : il était important que le Parlement puisse par ce geste hautement symbolique marquer son opposition aux atteintes menées par les gouvernements polonais et hongrois contre les droits des personnes LGBTIQI. Bruxelles, capitale de l’Europe siège de nombreuses institutions internationales, ne pouvait rester en marge de cet élan de solidarité : le gouvernement bruxellois a donc souhaité réaffirmer son soutien à la communauté LGBTIQ en déclarant formellement la Région de Bruxelles-Capitale “zone de liberté LGBTIQ”.
Si la Belgique joue un rôle moteur en matière de respect des droits fondamentaux des personnes LGBTIQI, dans les faits, comme en témoignent les chiffres de la dernière enquête de l’Agence européenne des droits fondamentaux, le chemin de l’égalité est encore long pour les personnes LGBTQIA+.
Cette enquête souligne qu’en Belgique, 66% des personnes sondées évitent encore de se tenir la main pour ne pas être dévisagées et 27% des personnes interrogées évitent certains endroits de l’espace public par peur d’être agressées. En matière de lutte contre les discriminations, il reste également des améliorations à apporter dans la mesure où 18% des personnes sondées se sont senties discriminées sur leur lieu de travail l’année qui a précédé l’enquête. Concernant la lutte contre la violence et le harcèlement, 42% des personnes sondées disent avoir été harcelées l'année précédant l'enquête et une personne trans et intersexe sur cinq a été agressée physiquement ou sexuellement au cours des cinq années précédant l'enquête.
C’est pourquoi le gouvernement bruxellois a souhaité faire de l’inclusion des personnes LGBTQIA+ une question centrale sous cette législature. Cette volonté politique forte s’est concrétisée par l’adoption du plan régional “LGTBQIA+inclusive.brussels” adopté en février dernier. La Région de Bruxelles-Capitale est par ailleurs membre du Réseau Rainbow Cities depuis 2016. Ces actions traduisent notre volonté politique de continuer à tenir un rôle moteur pour les droits et libertés des personnes LGBTQIA+ en Belgique et en Europe.
Quelles actions concrètes avez-vous mises en place (ou envisagez-vous actuellement) pour faire de votre ville une ville dans laquelle les droits des personnes LGBTIQ sont pleinement respectés et promus ?
Soutenu par le secteur associatif, qui a été largement associé à son élaboration, le plan LGTBQIA+inclusive.brussels propose 35 actions transversales très concrètes pour assurer une meilleure inclusion des personnes LGBTQIA+ à Bruxelles.
Il s’agit d’un plan totalement transversal, qui aborde notamment les questions d’égalité des chances, de logement, de fonction publique et de pouvoirs locaux, d’emploi, de prévention et de sécurité, d’urbanisme et d’aménagement du territoire, de mobilité, de recherche scientifique, d’image de Bruxelles et de relations internationales, de sport, de santé et de familles.
Le plan LGTBQIA+inclusive.brussels prévoit notamment un soutien financier accru du secteur associatif LGBTIQ, ce qui permettra à ces experts de terrain de concrétiser de nombreux projets de qualité qui répondent aux besoins des personnes LGBTIQ.
En termes de projets concrets issus du plan, je peux notamment vous parler du futur refuge qui ouvrira ses portes en été. La Région manquait d’hébergements d’accueil pour certains publics-cibles comme les jeunes LGBTIQ âgés de 18 à 25 ans en situation d’errance et/ou de rupture familiale, majoritairement confrontés à des difficultés sociales, sans groupe social d’appartenance et aux prises avec un rejet réel ou anticipé de la part du milieu familial. Pour favoriser l’inclusion des personnes LGBTQIA+ et en particulier des jeunes, il est pourtant nécessaire d’assurer leur intégrité physique et psychique et d’intervenir avant que ces jeunes ne soient exposé·es aux nombreuses problématiques en lien avec le sans-abrisme.
L’augmentation des places d’accueil disponibles via l’achat par la région d’une infrastructure dédiée permettra de répondre aux besoins identifiés en la matière. L’accueil sera également assorti d’un accompagnement dispensé par des professionnel·les de manière à favoriser la reconstruction et l’émancipation des jeunes LGBTQIA+. Le refuge ouvrira officiellement début 2023 mais pourra déjà, dès cet été, être partiellement occupé pour répondre aux urgences.
Le plan aborde également les questions de sécurité. En 2020, les zones de police bruxelloises n’ont enregistré que 34 PV relatifs à des faits liés à une discrimination LGBTQIA+phobes. Le secteur associatif, tout comme l’enquête réalisée par l’Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux témoignent pourtant d’une toute autre réalité. Il existe donc un véritable chiffre noir des violences et discriminations.
Les victimes parlent essentiellement de manque de confiance envers la police ou de sentiment de honte ou de crainte. Nous travaillons sur la problématique de l’accueil dans les commissariats et de la formation des agents avec les 6 zones de police de la région comme le prévoit d’ailleurs le plan LGTBQIA+inclusive.brussels.
Pour disposer d’une image plus fiable de ces actes LGBTQIA+phobes, nous avons également développé un projet-pilote dépôt de fiches de signalement auprès de la RainbowHouse. Les résultats sont très encourageants : les victimes se sentent plus à l’aise avec des interlocuteurs de confiance dans un environnement plus adapté. Notre objectif est de mieux faire connaître ce service et d’encore le développer.
C’est aussi en objectivant et en analysant le phénomène qu’on le combat avec plus d’efficacité. Le plan prévoit également un monitoring précis et régulier de ces plaintes et de ces signalements pour mener des politiques de prévention efficaces, mais aussi mieux former et coordonner l’intervention des services de police. Lutter contre ce sous-rapportage et améliorer le monitoring des plaintes constituent à ce titre des actions-phare de ce plan.
La sensibilisation a aussi toute son importance. La campagne régionale #sharethecolor est un outil important de promotion des droits des Bruxellois.es, notamment en matière d’orientation sexuelle, d’identité, d’expression de genre et de caractéristiques sexuelles. Nous avons créé ce concept en 2017, autour duquel une thématique spécifique se décline à chaque campagne. Pour l’édition 2022, l’accent a été mis sur l’inclusion des personnes LGBTQIA+ dans les quartiers bruxellois. Nous avons souhaité viser un public plus large au cœur des différents quartiers où vivent et travaillent les personnes LGBTQIA+ plutôt que de nous limiter au centre de Bruxelles-Ville où se concentrent de manière plus visible l’espace public et la vie sociale LGBTIQ+.
Nous développons en parallèle des actions positives et visibles afin de diffuser et renforcer le sentiment que chacun.e est bienvenu.e dans l’espace public bruxellois, quels que soient son genre, son orientation sexuelle et/ou ses caractéristiques sexuelles. Il est important que les secteurs touristiques, culturels et nocturnes soient plus inclusifs. Le plan prévoit par ailleurs l’organisation d’un “LGBTQIA+ welcoming day” avec à la clé, la remise d’un prix de l’inclusion LGBTIQ.
La Commission européenne a proposé sa toute première stratégie LGBTIQ et le Parlement européen a récemment déclaré que l'UE était une zone de liberté LGBTIQ. Comment l'Union européenne peut-elle contribuer à faire progresser l'égalité des personnes LGBTIQ, y compris en dehors de l'UE, et pourquoi c'est important pour votre ville ?
Nous le voyons encore aujourd’hui, au sein même de l’UE, aucun droit n’est jamais définitivement acquis : certains États s'opposent encore à certaines de nos valeurs fondamentales, à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux législations européennes.
Nous devons donc, plus que jamais, continuer à nous mobiliser pour que tous.tes les citoyen.nes, d’Europe ou d’ailleurs, restent égaux en droits et dans les faits, quel que soit leur genre, leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Et dans ce combat, il n’y a pas de secret : c’est l’union qui fait la force ! L’Europe, Bruxelles mais aussi d’autres grandes métropoles européennes doivent plus que jamais incarner le ciment de cette force.