Cet entretien s'inscrit dans le cadre de notre campagne #LoveWhereILive et de notre série “#ProgressiveLocalStories”, visant à sensibiliser aux nombreuses initiatives positives mises en œuvre par des villes et régions socialistes en Europe. Les villes et les régions sont devenues des laboratoires de solutions innovantes et, avec cette campagne, nous voulons découvrir comment les maires, conseillers et présidents de régions socialistes mettent en place des politiques de promotion et de protection des droits LGBTIQ.
Votre région est un exemple en matière de promotion et de protection des droits LGBTIQ. En tant que leader progressiste, quelles sont vos idées sur les droits LGBTIQ sur votre territoire et en Europe aujourd'hui ?
Notre pays a été pionnier en matière de défense et protection des droits des LGBTQIA+, et nos lois ont évolué de manière décisive ces dernières décennies. Néanmoins, même dans notre Région, des actes scandaleux se produisent encore régulièrement à l'encontre des personnes LGBTQIA+. Les harcèlements, les humiliations, les discriminations, les violences ou les suicides font trop souvent la une de l'actualité.
Il reste du chemin à parcourir, et c'est pourquoi, en juillet 2021, la Wallonie s’est déclarée “zone de liberté pour les personnes LGBTQIA+”.
Quelles actions concrètes avez-vous mises en place (ou envisagez-vous actuellement) pour faire de votre région, une région dans laquelle les droits des personnes LGBTIQ sont pleinement respectés et promus ?
Après s'être déclarée “zone de liberté pour les personnes LGBTQIA+”, la Wallonie a adopté un Plan Wallon d’inclusion des personnes LGBTQIA+ 2022-2024 le 13 mai 2022. Il se compose de 16 mesures, réparties en 5 objectifs stratégiques, dont voici quelques exemples :
- Mener une étude scientifique relative au risque de précarité encouru par les personnes LGBTQIA+.
Malgré l’absence de données récentes en la matière, il est communément admis que les personnes LGBTQIA+ sont particulièrement exposées au risque de précarité et d’isolement. Il est nécessaire de pouvoir disposer de données objectives et rigoureuses sur la situation sociale et les mécanismes d’exclusion des personnes LGBTQIA+ en Wallonie de manière à orienter davantage les politiques régionales au plus près des préoccupations de terrain. Pour ce faire, un marché public sera lancé par le Cabinet Morreale afin de réaliser une étude relative au risque de précarité encouru par les personnes LGBTQIA+.
- Des montants doublés pour les 7 Maisons Arc-en-ciel et leur Fédération PRISME.
Afin de valoriser et visibiliser au mieux l’expertise et d’assurer la mise en place de leurs projets, les Maisons Arc-en-Ciel et leur Fédération PRISME seront renforcées à travers un soutien financier accru et permanent. Les montants annuels seront plus que doublés :
- Les 7 Maisons Arc-en-ciel passeront à un financement de 100.000 euros par an.
- La Fédération PRISME sera financée annuellement à hauteur de 140.000 euros par an.
Ces montants serviront notamment à poursuivre et renforcer une assistance psychologique, juridique, le dépistage des IST ou encore l’accueil d’urgence des persones LGBTQIA+.
Les missions des Maisons Arc-en-Ciel?
- Fournir une aide sociale, juridique et un accompagnement psychologique pour les personnes qui rencontrent des difficultés à vivre leur orientation ou leur identité sexuelle ;
- Organiser, soutenir et coordonner des actions visant à lutter contre les discriminations sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre et la promotion de l’égalité des chances ;
- Accompagner les initiatives locales publiques ou privées visant à fournir une aide aux personnes LBGT ;
- Soutenir l’émergence d’un réseau local d’organisations LGBT;
- Créer un espace d’accueil à destination des associations LGBT actives localment ;
- Informer les personnes LGBT et le public.
- Des soins spécifiques, gratuits pour les personnes LGBTQIA+ dans les maisons médicales.
Les Maisons Arc-en-Ciel et les associations LGBTQIA+ sont souvent confrontées à des personnes dépourvues en matière de santé, notamment en termes de santé mentale. Or, des services de proximité et multidisciplinaires susceptibles de les prendre en charge gratuitement et de manière anonyme tels que les maisons médicales, existent en Wallonie.
Les collaborations entre les Maisons médicales et les Maisons Arc-en-Ciel sont encouragées : des conventions de prise en charge physique, psychologique et sociale des publics LGBTQIA+ seront conclues entre chacune des 7 Maison Arc-en-Ciel et une Maison médicale de leur ressort territorial. Chaque Maison médicale conventionnée se verra octroyer un ½ ETP assistant social afin de garantir une prise en charge globale des personnes LGBTQIA+ envoyées par les Maisons Arc-en-Ciel
Quelles sont les missions des Maisons médicales ?
- Répondre aux besoins par l’offre de soins de santé primaires de qualité, qui soient accessibles, continus, globaux et intégrés :
- des soins de qualité qui tiennent compte des acquis de la science, tout en gardant un souci d’efficience ;
- des soins accessibles sur le plan géographique, financier, temporel, culturel, … ;
- des soins continus dispensés par une équipe de thérapeutes qui travaillent dans une logique de suivi à long terme ;
- des soins globaux qui tiennent compte de tous les aspects médico-psycho-sociaux et environnementaux ;
- des soins intégrés qui englobent l’aspect curatif, préventif, palliatif et la promotion de la santé.
- Promouvoir l’autonomie des personnes qui font appel à leurs services et renforcer leur capacité décisionnelle ;
- Favoriser l’émergence d’une prise de conscience critique des citoyens vis-à-vis des mécanismes qui président à l’organisation des systèmes de santé et des politiques sociales ;
- Participer à l’élaboration de politiques de santé et de politiques sociales, avec le souci permanent du respect des valeurs de solidarité et de justice sociale ;
- Participer, avec d’autres acteurs de la vie sociale, à un processus d’évaluation des besoins de la communauté, à la recherche des solutions et à leur application pratique, tant en matière de santé que dans d’autres domaines qui influencent le bien-être des individus.
- Une offre d’accueil étoffée pour les personnes LGBTQIA+ en rupture familiale et/ou sociale.
A l’heure actuelle, de nombreux jeunes sont encore rejetés par leurs parents et famille du simple fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Aujourd’hui en Wallonie, il existe 10 places d’accueil spécifiques pour ce public (à Liège, Charleroi, Namur et Verviers). Le Plan wallon va pérenniser ces places grâce à un soutien financier annuel de 38.000 euros.
Des formations seront également prochainement organisées pour le personnel chargé de l’accueil des personnes en difficultés sociales (abris de nuit, maisons de vie communautaire…) afin de le sensibiliser à la prise en charge spécifique des personnes LGBTQIA+.
- Des références “LGBTQIA+ friendly” dans les campagnes de communication publiques wallonnes.
La lutte contre les discriminations à l’égard des personnes LGBTQIA+ passe aussi par une communication plus inclusive. Dans ce cadre, il est demandé aux équipes de communication ainsi qu’à celles des marchés publics de tous les Services Publics wallons d’intégrer davantage la lutte contre les discriminations à l’égard des personnes LGBTQIA+ dans leurs actions de communication.
- La lutte contre les violences à l’égard des personnes LGBTQIA+ dans le contrat de gestion de l’Opérateur de Transport de Wallonie (OTW - bus TEC).
Les personnes LGBTQIA+ sont encore trop régulièrement victimes d’injures, de harcèlement voire de violences physiques dans les transports publics. Pour lutter contre ces phénomènes, le contrat de gestion 2024-2029 de l’OTW devra prévoir dans sa communication, de participer à la sensibilisation contre le sexisme, le racisme et toutes autres formes de discriminations incluant les violences à l’égard des personnes LGBTQIA+.
- Une meilleure inclusion des personnes âgées LGBTQIA+ en maison de repos.
L’inclusion des personnes LGBTQIA+ doit être favorisée tout au long de leur vie. A l’heure actuelle, de nombreux.ses seniors LGBTQIA+ ne peuvent vivre librement leur orientation sexuelle et identité de genre dans les institutions de soins qu’ils fréquentent. Des formations et sensibilisation du personnel du secteur des aînés aux thématiques LGBTQIA+ vont dès lors être organisées.
Concrètement, des expériences pilotes seront menées dans 10 maisons de repos. Des formations spécifiques seront développées et réalisées par l’AVIQ, le secteur associatif LGBTQIA+ et un opérateur de formation.
- Un accueil adapté pour les personnes LGBTQIA+ issues de l’immigration.
Afin d’améliorer la prise en charge des personnes primo-arrivantes LGBTQIA+ et notamment celles et ceux réfugiées en raison de leur orientation sexuelle, un projet pilote sera déployé en Wallonie. La Maison Arc-en-Ciel de Verviers vient de recevoir 28.800 euros pour renforcer sa collaboration avec le Centre Régional de Verviers pour l’intégration des personnes d’origine étrangère (CRVI), afin d’accueillir et accompagner spécifiquement les personnes LGBTQIA+. Si l’évaluation du dispositif s’avère positive, cette pratique pourrait être étendue à l’ensemble du territoire wallon.
- Faire de la Wallonie une Ambassadrice du respect des droits humains des personnes LGBTQIA+ dans le cadre de ses relations internationales.
Trop de pays considèrent encore que les persones LGBTQIA+ ne peuvent pas avoir accés aux mêmes droits que les persones hétérosexuelles. Le rappel de l’égalité en droit et en dignité de toute personne, quelle que soit son orientation sexuelle, son identité de genre, son expression de genre ou ses caractéristiques sexuées, doit donc être au cœur du discours de la Région wallonne à chaque fois que l’occasion se présente au niveau international.
Au total, ce sont près de 2,35 millions d’euros additionnels qui sont dégagés pour ce Plan sur la période 2022-2024, soit un triplement des moyens dédicacés au secteur.
Après deux ans d’absence, la Belgian Pride a fait son retour le 21 mai 2022 sous le thème “Open”.
Quelques 120.000 personnes ont défilé dans les rues de Bruxelles appelant à plus d’inclusivité, de respect et d’égalité pour les personnes LGBTQIA+. J’ai soutenu l’évènement parmi d’autres personnalités politiques.
La Commission européenne a proposé sa toute première stratégie LGBTQIA+ et le Parlement européen a récemment déclaré que l’UE était une zone de liberté LGBTQIA+. Comment l’Union européenne peut-elle contribuer à faire progresser l’égalité des personnes LGBTQIA+, y compris en dehors de l’UE, et pourquoi c’est important pour votre région ?
Aujourd’hui, la lutte contre l’homophobie, contre les discriminations et le combat visant à octroyer les mêmes droits et libertés que tout Européen aux personnes LGBTQIA+ est au cœur de l’actualité. Je suis pleinement convaincu que cette lutte doit être au cœur de nos préoccupations et de nos politiques publiques à tous les échelons.
C’est également une préoccupation des institutions européennes depuis de nombreuses années. Ainsi, les Traités de l’Union européenne offrent une protection des minorités en Europe (article 19). C’est également un des objectifs de la Charte européenne des droits fondamentaux (article 21). L’égalité et la non-discrimination sur base de l’orientation sexuelle sont des principes essentiels de l’Union européenne.
Au cours des dernières décennies, plusieurs initiatives ont été prises par la Commission européenne afin d’améliorer la vie de nombreuses personnes LGBTQIA+, notamment au travers de directives ou de stratégies d’actions.
En juillet 2021, la Commission a ouvert des procédures contre la Pologne et la Hongrie pour violation des droits fondamentaux des personnes LGBTQIA+ qui pourront, au terme du processus, aboutir à une saisie de la Cour de justice de l’Union européenne et à des sanctions. Ces procédures représentent un moyen d’action important à disposition de l’UE pour protéger les droits des personnes LGBTQIA+ et sanctionner des Etats membres qui ne respectent pas les valeurs de l’Union.
En novembre dernier, la Commission a présenté une importante stratégie en faveur de l’égalité des personnes LGBTQIA+. Parmi les mesures proposées, nous retiendrons la lutte contre les discriminations, la garantie d’une sécurité et l’ambition de construire des sociétés inclusives. Un axe spécifique au combat pour l’égalité des personnes LGBTQIA+ en-dehors de l’UE est aussi établit dans cette stratégie.
Cet élément est essentiel puisque cette lutte ne se limite pas à nos frontières. De nombreuses discriminations ont lieu de par le monde et l’UE doit pouvoir jouer un rôle moteur sur ce plan. L’Europe jouit d’une réputation mondiale dans le domaine de la protection des valeurs, des droits humains et de ses principes fondateurs. Ces interconnexions avec le monde doivent lui permettre d’atteindre cet objectif d’internationalisation de cette thématique. Ainsi, la Commission et le Service européen d'action extérieure (SEAE) s'engagent à protéger ces personnes et à leur permettre de faire valoir leurs droits tout autour du globe.
La Commission soutient également financièrement toute une série d’organisation de la société civile qui promeuvent les droits des LGBTQIA+. Parmi ces organisations, nous retrouvons le volet européen de l’Association internationale des lesbiennes, aux, bisexuels, trans et intersexués (ILGA-Europe).
Des appels d’offres sont aussi lancés chaque année pour financer des projets d’organismes nationaux pour des activités visant à lutter contre la discrimination et à promouvoir l’égalité. Ces soutiens financiers sont nécessaires pour poursuivre ce combat.
Je salue l’action de la Commission européenne en faveur de la protection des personnes LGBTQIA+. Il s’agit d’un élément fondamental pour ma région, qui place également cette thématique au cœur de ses préoccupations. La représentation de cette minorité est essentielle pour ma région, qui est pleinement impliquée dans le projet européen et la défense de nos valeurs et principes fondamentaux.